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[Les Echos] Des emplois qualifiés essentiels à la réindustrialisation verte

Tribune parue dans Les Echos du 16 octobre 2023 et sur leur site Internet. Ce texte est cosigné par Laurent Giovachini (Président de la Fédération Syntec), Alexandre Saubot (Président de France Industrie) et Eric Trappier (Président de l’UIMM).

Opinion | Des emplois qualifiés essentiels à la réindustrialisation verte

« Au coeur de la compétition économique et industrielle mondiale, la France doit avoir la capacité de répondre aux défis aussi complexes que ceux de l’innovation, de la décarbonation et de l’accès aux compétences.

Ce sont les emplois qualifiés – nos ingénieurs, nos scientifiques, nos techniciens, nos experts, etc. – qui nous permettront d’être précurseurs sur les enjeux de demain. Le bémol ? Une attractivité fragile et un fort besoin de talents à horizon 2030 avec 115.000 ingénieurs dans le numérique et 50.000 personnels d’études et de recherche.

De France Relance à France 2030, la réindustrialisation est le pilier de notre relance économique. A juste titre, car il s’agit avant tout de reprendre notre destin en main au moment où les autres puissances investissent des moyens colossaux pour défendre leur position dans la compétition mondiale.

Dans une économie française qui tend vers le plein-emploi, la réussite de la réindustrialisation reposera en grande partie sur notre aptitude à répondre aux besoins d’emplois qualifiés.

L’industrie a besoin d’ingénierie pour la conception de solutions performantes à l’impact carbone le plus neutre possible, de numérique pour sa cybersécurité ou son optimisation logistique, de conseil pour l’adaptation de ses stratégies et la transformation de ses organisations, ou encore de formation pour la nécessaire montée en compétences de ses effectifs.

Compétition internationale

Les emplois qualifiés nourrissent les ambitions industrielles de notre pays. Or, ces emplois sont parmi les plus exposés à la compétition internationale.

Le défi est donc de stimuler la création de ces emplois en France, plus que chez nos voisins, et de retenir, voire d’attirer, les talents. Pourtant, aujourd’hui encore, à budget équivalent, un chef d’entreprise peut engager trois ingénieurs en France alors que son homologue allemand en embauchera quatre.

Des signes d’amélioration sont là, mais le poids des charges sociales sur les salaires des emplois qualifiés demeure plus important que chez nos voisins. L’Etat a, depuis plusieurs années, pris conscience de la nécessité d’agir et nous le saluons.

Regain de compétitivité fragile

Certains semblent néanmoins vouloir profiter des débats budgétaires pour remettre en cause cette trajectoire nécessaire. Reculer sur les exonérations de charges accordées ces dernières années reviendrait pourtant à grever une ambition industrielle partagée et qui commence à se concrétiser. Ce serait nous lester à nouveau de boulets fiscaux qui ne bénéficieraient qu’à nos compétiteurs.

Pour être au rendez-vous de son ambition de réindustrialisation, la France doit conserver et attirer les meilleurs talents sur son territoire, en donnant aux entreprises la capacité de contenir le coût de ces emplois bien rémunérés.

Les allègements de charges sur les salaires entre 2,5 et 3,5 fois le SMIC, mis en place depuis 2016, ont contribué à enrayer la fuite des cerveaux : les jeunes issus de grandes écoles sont ainsi passés de 18,1 % en 2013 à quitter la France dès l’obtention de leur diplôme – quasiment 1 sur 5 ! – à 13,8 % en 2019.

Atout décisif
Avec la suppression de ces allègements, ce sont 1,6 milliard d’euros investis aujourd’hui par les entreprises dans la rémunération, la formation, la montée en compétences et l’attractivité des talents dont pourrait être privée notre économie.

L’équilibre des comptes sociaux et la maîtrise de la dette sont des priorités que nous partageons. La réindustrialisation sera un atout décisif pour les atteindre et elles ne sauraient se faire aux dépens de nos ambitions d’autonomie et de décarbonation. A terme, reculer sur ce choix qui engage notre pays s’avérerait économiquement et socialement contre-productif. »